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MM. Tavernier et Chardin. "Ah ! bon Dieu ! dis-je en moi-même, quel homme est-ce là ? Il connaîtra
tout à l'heure les rues d'Ispahan mieux que moi ! " Mon parti fut bientôt pris : je me tus, je le laissai parler,
et il décide encore.
De Paris, le 8 de la lune de Zilcadé 1715.
Lettre LXXII. Rica à Ibben, à*** 101
Lettres persanes
Lettre LXXIII. Rica à***
J'ai ouï parler d'une espèce de tribunal qu'on appelle l'académie française. Il n'y en a point de moins
respecté dans le monde : car on dit qu'aussitôt qu'il a décidé, le peuple casse ses arrêts et lui impose des lois
qu'il est obligé de suivre.
Il y a quelque temps que, pour fixer son autorité, il donna un code de ses jugements. Cet enfant de tant
de pères était presque vieux quand il naquit, et, quoiqu'il fût légitime, un bâtard, qui avait déjà paru, l'avait
presque étouffé dans sa naissance.
Ceux qui le composent n'ont d'autres fonctions que de jaser sans cesse ; l'éloge va se placer comme de
lui-même dans leur babil éternel, et, sitôt qu'ils sont initiés dans ses mystères, la fureur du panégyrique vient
les saisir et ne les quitte plus.
Ce corps a quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores et d'antithèses ; tant de bouches ne
parlent que par exclamation ; ses oreilles veulent toujours être frappées par la cadence et l'harmonie. Pour les
yeux, il n'en est pas question : il semble qu'il soit fait pour parler, et non pas pour voir. Il n'est point ferme
sur ses pieds : car le temps, qui est son fléau, l'ébranle à tous les instants et détruit tout ce qu'il a fait. On a dit
autrefois que ses mains étaient avides. Je ne t'en dirai rien, et je laisse décider cela à ceux qui le savent mieux
que moi.
Voilà des bizarreries, que l'on ne voit point dans notre Perse. Nous n'avons point l'esprit porté à ces
établissements singuliers et bizarres ; nous cherchons toujours la nature dans nos coutumes simples et nos
manières naïves.
De Paris, le 27 de la lune de Zilhagé 1715.
Lettre LXXIII. Rica à*** 102
Lettres persanes
Lettre LXXIV. Usbek à Rica, à***
Il y a quelques jours qu'un homme de ma connaissance me dit : "Je vous ai promis de vous produire
dans les bonnes maisons de Paris : je vous mène à présent chez un grand seigneur qui est un des hommes du
royaume qui représente le mieux."
"Que veut dire cela, Monsieur ? Est-ce qu'il est plus poli, plus affable que les autres ? - Non, me
dit-il. - Ah ! j'entends ! il fait sentir à tous les instants la supériorité qu'il a sur tous ceux qui l'approchent.
Si cela est, je n'ai que faire d'y aller : je la lui passe tout entière, et je prends condamnation."
Il fallut pourtant marcher, et je vis un petit homme si fier, il prit une prise de tabac avec tant de hauteur,
il se moucha si impitoyablement, il cracha avec tant de flegme, il caressa ses chiens d'une manière si
offensante pour les hommes, que je ne pouvais me lasser de l'admirer. "Ah ! bon Dieu ! dis-je en
moi-même, si, lorsque j'étais à la cour de Perse, je représentais ainsi, je représentais un grand sot ! " Il aurait
fallu, Rica, que nous eussions eu un bien mauvais naturel pour aller faire cent petites insultes à des gens qui
venaient tous les jours chez nous nous témoigner leur bienveillance : ils savaient bien que nous étions
au-dessus d'eux, et, s'ils l'avaient ignoré, nos bienfaits le leur auraient appris chaque jour. N'ayant rien à faire
pour nous faire respecter, nous faisions tout pour nous rendre aimables : nous nous communiquions aux plus
petits ; au milieu des grandeurs, qui endurcissent toujours, ils nous trouvaient sensibles ; ils ne voyaient que
notre coeur au-dessus d'eux : nous descendions jusqu'à leurs besoins. Mais, lorsqu'il fallait soutenir la
majesté du prince dans les cérémonies publiques lorsqu'il fallait faire respecter la nation aux étrangers
lorsque, enfin, dans les occasions périlleuses, il fallait animer les soldats, nous remontions cent fois plus haut
que nous n'étions descendus : nous ramenions la fierté sur notre visage, et l'on trouvait quelquefois que nous
représentions assez bien.
De Paris, le 10 de la lune de Saphar 1715.
Lettre LXXIV. Usbek à Rica, à*** 103
Lettres persanes
Lettre LXXV. Usbek à Rhédi, à Venise
Il faut que je te l'avoue : je n'ai point remarqué chez les chrétiens cette persuasion vive de leur religion
qui se trouve parmi les musulmans. Il y a bien loin chez eux de la profession à la croyance, de la croyance à
la conviction, de la conviction à la pratique. La religion est moins un sujet de sanctification qu'un sujet de
disputes qui appartient à tout le monde : les gens de cour, les gens de guerre, les femmes mêmes s'élèvent
contre les ecclésiastiques, et leur demandent de leur prouver ce qu'ils sont résolus de ne pas croire. Ce n'est
pas qu'ils se soient déterminés par raison, et qu'ils aient pris la peine d'examiner la vérité ou la fausseté de
cette religion qu'ils rejettent : ce sont des rebelles qui ont senti le joug et l'ont secoué avant de l'avoir connu.
Aussi ne sont-ils pas plus fermes dans leur incrédulité que dans leur foi ; ils vivent dans un flux et reflux qui
les porte sans cesse de l'un à l'autre. Un d'eux me disait un jour : "Je crois l'immortalité de l'âme par
semestre ; mes opinions dépendent absolument de la constitution de mon corps : selon que j'ai plus ou
moins d'esprits animaux, que mon estomac digère bien ou mal, que l'air que je respire est subtil ou grossier,
que les viandes dont je me nourris sont légères ou solides, je suis spinoziste, socinien, catholique, impie ou
dévot. Quand le médecin est auprès de mon lit, le confesseur me trouve à son avantage. Je sais bien empêcher
la religion de m'affliger quand je me porte bien ; mais je lui permets de me consoler quand je suis malade :
lorsque je n'ai plus rien à espérer d'un côté, la religion se présente et me gagne par ses promesses ; je veux
bien m'y livrer, et mourir du côté de l'espérance."
Il y a longtemps que les princes chrétiens affranchirent tous les esclaves de leurs Etats, parce que,
disaient-ils, le christianisme rend tous les hommes égaux. Il est vrai que cet acte de religion leur était très
utile : ils abaissaient par là les seigneurs, de la puissance desquels ils retiraient le bas peuple. Ils ont ensuite
fait des enquêtes dans des pays où ils ont vu qu'il leur était avantageux d'avoir des esclaves : ils ont permis
d'en acheter et d'en vendre, oubliant ce principe de religion qui les touchait tant. Que veux-tu que je te dise ?
Vérité dans un temps, erreur dans un autre. Que ne faisons-nous comme les chrétiens ? Nous sommes bien
simples de refuser des établissements et des conquêtes faciles dans des climats, heureux, parce que l'eau n'y
est pas assez pure pour nous laver selon les principes du saint Alcoran.
Je rends grâces au Dieu tout-puissant, qui a envoyé Hali, son grand prophète, de ce que je professe une [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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