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l'étroitesse de certaines, à peine larges de six pieds et longues de huit à dix, leur location coûtait mille écus.
Les boutiques éclairées sur le jardin et sur la cour étaient protégées par de petits treillages verts, peut-être
pour empêcher la foule de démolir, par sou contact, les murs en mauvais plâtras qui formaient le derrière des
magasins. Là donc se trouvait un espace de deux ou trois pieds où végétaient les produits les plus bizarres
d'une botanique inconnue à la science, mêlés à ceux de diverses industries non moins florissantes. Une
maculature coiffait un rosier, en sorte que les fleurs de rhétorique étaient embaumées par les fleurs avortées
de ce jardin mal soigné, mais fétidement arrosé. Des rubans de toutes les couleurs ou des prospectus
fleurissaient dans les feuillages. Les débris de modes étouffaient la végétation : vous trouviez un noeud de
rubans sur une touffe de verdure, et vous étiez déçu dans vos idées sur la fleur que vous veniez admirer en
apercevant une coque de satin qui figurait un dalhia. Du côté de la cour, comme du côté du jardin, l'aspect de
ce palais fantasque offrait tout ce que la saleté parisienne a produit de plus bizarre : des
badigeonages [Orthographe usitée au XIXe siècle pour : badigeonnages.] lavés, des plâtras refaits, de vieilles peintures, des
écriteaux fantastiques. Enfin le public parisien salissait énormément les treillages verts, soit sur le jardin, soit
sur la cour. Ainsi, des deux côtés, une bordure infâme et nauséabonde semblait défendre l'approche des
Galeries aux gens délicats ; mais les gens délicats ne reculaient pas plus devant ces horribles choses que les
princes des contes de fées ne reculent devant les dragons et les obstacles interposés par un mauvais génie
entre eux et les princesses. Ces Galeries étaient comme aujourd'hui percées au milieu par un passage, et
comme aujourd'hui l'on y pénétrait encore par les deux péristyles actuels commencés avant la Révolution et
abandonnés faute d'argent. La belle galerie de pierre qui mène au Théâtre Français formait alors un passage
étroit d'une hauteur démesurée et si mal couvert qu'il y pleuvait souvent. On la nommait Galerie-Vitrée, pour
la distinguer des Galeries-de-Bois. Les toitures de ces bouges étaient toutes d'ailleurs en si mauvais état, que
la Maison d'Orléans eut un procès avec un célèbre marchand de cachemires et d'étoffes qui, pendant une nuit,
trouva des marchandises avariées pour une somme considérable. Le marchand eut gain de cause. Une double
toile goudronnée servait de couverture en quelques endroits. Le sol de la Galerie-Vitrée, où Chevet
commença sa fortune, et celui des Galeries-de-Bois étaient le sol naturel de Paris, augmenté du sol factice
amené par les bottes et les souliers des passants. En tout temps, les pieds heurtaient des montagnes et des
vallées de boue durcie, incessamment balayées par les marchands, et qui demandaient aux nouveaux-venus
une certaine habitude pour y marcher.
Ce sinistre amas de crottes, ces vitrages encrassés par la pluie et par la poussière, ces huttes plates et
couvertes de haillons au dehors, la saleté des murailles commencées, cet ensemble de choses qui tenait du
camp des Bohémiens, des baraques d'une foire, des constructions provisoires avec lesquelles on entoure à
Paris les monuments qu'on ne bâtit pas, cette physionomie grimaçante allait admirablement aux différents
commerces qui grouillaient sous ce hangar impudique, effronté, plein de gazouillements et d'une gaieté folle,
où, depuis la Révolution de 1789 jusqu'à la Révolution de 1830, il s'est fait d'immenses affaires. Pendant
vingt années, la Bourse s'est tenue en face, au rez-de-chaussée du Palais. Ainsi, l'opinion publique, les
réputations se faisaient et se défaisaient là, aussi bien que les affaires politiques et financières. On se donnait
rendez-vous dans ces galeries avant et après la Bourse. Le Paris des banquiers et des commerçants
encombrait souvent la cour du Palais-Royal, et refluait sous ces abris par les temps de pluie. La nature de ce
bâtiment, surgi sur ce point on ne sait comment, le rendait d'une étrange sonorité. Les éclats de rire y
foisonnaient. Il n'arrivait pas une querelle à un bout qu'on ne sût à l'autre de quoi il s'agissait. Il n'y avait là
que des libraires, de la poésie, de la politique et de la prose, des marchandes de modes, enfin des filles de joie
qui venaient seulement le soir. Là fleurissaient les nouvelles et les livres, les jeunes et les vieilles gloires, les
conspirations de la Tribune et les mensonges de la Librairie. Là se vendaient les nouveautés au public, qui
s'obstinait à ne les acheter que là. Là, se sont vendus dans une seule soirée plusieurs milliers de tel ou tel
pamphlet de Paul-Louis Courier, ou des Aventures de la fille d'un roi. A l'époque où Lucien s'y produisait,
quelques boutiques avaient des devantures, des vitrages assez élégants ; mais ces boutiques appartenaient
aux rangées donnant sur le jardin ou sur la cour. Jusqu'au jour où périt cette étrange colonie sous le marteau
de l'architecte Fontaine, les boutiques sises entre les deux galeries furent entièrement ouvertes, soutenues par
Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro
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Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris
des piliers comme les boutiques des foires de province, et l'oeil plongeait sur les deux galeries à travers les
marchandises ou les portes vitrées. Comme il était impossible d'y avoir du feu, les marchands n'avaient que
des chaufferettes et faisaient eux-mêmes la police du feu, car une imprudence pouvait enflammer en un quart
d'heure cette république de planches desséchées par le soleil et comme enflammées déjà par la prostitution, [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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